Le renforcement positif versus l’école traditionnelle

L’évolution du modèle éducatif chez les enfants… et chez les chiens.

Rédigé par Noémie Labbé-Roy, directrice – Les chiens Togo.

Avant de travailler dans l’univers canin, ma formation et mon expertise en était une d’intervention auprès des personnes en difficulté, notamment auprès des enfants d’âge scolaire aux prises avec de graves troubles de comportement.

Je suis donc familière avec le monde de l’éducation. Dans ce domaine, nous avons rejeté depuis longtemps le modèle coercitif, dans lequel l’enseignant obtenait le « respect » de ses élèves en utilisant la peur, la punition corporelle et l’abus de pouvoir. Au Québec, les enseignants sont surveillés de près à ce niveau et lorsque l’on remarque l’utilisation de la discipline corporelle, l’acte est immédiatement dénoncé. La majorité des enseignants utilisent quotidiennement un système de récompenses des bons comportements pour leurs élèves et recourent ainsi au mécanisme de conditionnement qu’est le renforcement positif.

Le parallèle est facile à faire avec l’évolution récente de l’entraînement des chiens. De moins en moins d’entraîneurs utilisent le modèle « traditionnel », lequel prônait, à tort, qu’il s’agissait de dominer l’animal par le renforcement négatif et la punition positive pour « éduquer » le chien. Tous s’entendent pour dire que rien n’est plus efficace que de récompenser les bons comportements de notre ami canin et qu’il vaut mieux bâtir une relation basée sur un respect mutuel que sur la crainte.

Est-ce que tu entraînes en R+? Oui, alors tu es compétent (?).

Je dénonce vigoureusement l’utilisation de la punition physique dans l’éducation des chiens, comme dans celui des enfants. Cela dit, quelque chose me chicotte ces temps-ci dans le monde canin. D’abord, le fait de dire que l’on entraîne en R+ est un peu simpliste. Se décrire comme étant entraîneur uniquement en R+, équivaut à la situation d’un peintre qui dirait n’utiliser que la couleur bleue dans son travail. Comment peut-il être en mesure de peindre des paysages complexes?

En effet, le renforcement positif est un mécanisme très efficace de conditionnement. Cependant il est loin d’être le seul mécanisme impliqué quand on tente de modifier un comportement ou d’enseigner quelque chose. Lorsqu’un entraîneur me dit ne jamais utiliser la punition, je lui demande s’il a déjà choisi volontairement d’ignorer un mauvais comportement. La réponse est toujours positive. Or, ce mécanisme d’ignorance intentionnelle fait référence au mécanisme du nom de punition négative. Quand j’utilise des mots comme la désensibilisation, l’habituation, l’exposition graduelle, les renforcements différentiels (DRA et DRO), le renforcement non contingent, je constate avec tristesse un manque flagrant de connaissances sur les théories issues du behaviorisme. À cela s’ajoute qu’en dehors du R+, R-, P+ et P-, il existe d’autres éléments à considérer, puisque le chien est plus qu’une simple machine de conditionnement que l’on récompense ou que l’on punit. On a tendance à le perdre de vue lorsqu’on parle d’une éducation « uniquement en renforcement positif ».

Quand on parle d’entraîneurs qui maîtrisent mal les concepts impliqués dans l’éducation et l’apprentissage, mais qui n’ont comme objectif que de l’entraînement de base et récréatif, cela porte peu à conséquence. Si vous tentez d’enseigner à votre chien à s’asseoir sur commande, mais que vous n’utilisez pas bien les concepts de cohérence, de constance, de motivation et de timing, au pire, votre chien n’apprendra pas à s’asseoir.

Par contre, les entraîneurs qui proposent leur service pour l’intervention auprès de chiens anxieux ou agressifs auraient intérêt à approfondir leurs connaissances. Le fait de récompenser sans comprendre les variables impliquées peut causer d’énormes préjudices et mettre en jeu la sécurité du chien, ainsi que celle des gens qui l’entourent.

Les solutions magiques ou génériques

Il faut se méfier des solutions magiques dans le monde des comportements agressifs, du type « voici ce qu’il faut faire si votre chien aboie » ou « voici comment agir lorsque votre chien est réactif ». Il y a tellement de variables à considérer lorsque l’on tente de modifier un comportement, qu’il faut faire appel à un professionnel qui sera en mesure d’observer et d’intervenir adéquatement. Ce type d’intervention devrait toujours être individualisé, dans une approche « cas par cas ».

Par ailleurs, nul ne peut se prétendre expert de tous les problèmes comportementaux canins. Comme chez l’humain, il existe des intervenants spécialisés, par exemple dans les troubles anxieux, les troubles autistiques, ou avec les clientèles pédiatriques, gériatriques, etc. Un entraîneur compétent vous dira, le cas échéant : « je vous réfère à un collègue sur ce sujet, car je ne me sens pas à l’aise d’intervenir dans ce cas-ci ».

Bien que je ne travaille pas en collaboration avec des entraîneurs de l’école traditionnelle, pour moi, le fait qu’une personne se décrive comme un « entraîneur R+ » ne constitue pas, en soi, un gage de qualité. L’étiquette « R+ » se retrouve partout sur le web dans les offres de service. À mon avis, il s’agit trop souvent d’un argument marketing qui manque de nuance. Les propriétaires d’animaux à la recherche de solutions sont, à juste titre, préoccupés du bien être de leur chien. Mais l’étiquette « R+ » ne suffit pas à garantir un service adapté à leurs besoins.

Il va sans dire que de nombreux entraîneurs compétents, qui se disent membre de la « communauté  R+ », maîtrisent bien et sont conscients des nuances dont il est question ici. La présente mise en garde vise à encourager le public à vérifier ce qui se trouve derrière cette étiquette et à valider les qualifications concrètes de l’entraîneur.